Les 4 phases du deuil.
Selon M. Marty, chaque deuil est une épreuve à traverser et un travail psychologique est nécessaire pour se séparer de l’être disparu. Il s’agit d’un processus psychique de réaménagement qui s’inscrit dans la durée.
J.-Y. Gautier distingue, à propos de l’approche du deuil chez Bowlby (1984), quatre phases différentes du deuil.
1. La période d’ébranlement émotionnel
Phase d’« engourdissement » d’après Bowlby, provoquée par le saisissement face à la réalité : il ou elle n’est plus là.
Le choc est plus ou moins prononcé selon les circonstances de la mort et selon le lien qui unissait le défunt et l’endeuillé.
Cette période s’accompagne parfois d’un obscurcissement de la conscience, avec un vécu d’incrédulité, voire d’irréalité, pouvant aller jusqu’aux réactions extrêmes de déni de la mort.
L’endeuillé perçoit alors le monde extérieur comme instable et non protecteur. L’épreuve de réalité (processus psychique) est au cœur de cette étape, qui se franchit lorsque les émotions de détresse parviennent à se manifester et peuvent commencer à s’élaborer.
Cette phase dure normalement de quelques jours à quelques semaines et débouche sur l’acceptation progressive de la réalité de la mort de l’être perdu.
2. La période d’intériorisation du défunt : la phase de languissement
Il s’agit du moment où il faut intérioriser le défunt et le lien avec lui. C’est l’entrée véritable dans l’élaboration du deuil, qui se traduit par une remémoration de l’histoire partagée.
L’endeuillé convoque ses souvenirs relatifs au défunt, ce qui suscite des sentiments de tristesse, de ressentiment, parfois de culpabilité, suivis de l’évocation de souvenirs plus pénibles.
L’impossibilité de retrouver l’objet dans la réalité entraîne un surinvestissement des représentations et figurations de celui-ci. L’endeuillé ressent alors le besoin d’en parler, de chercher des traces, de conserver la mémoire.
La réalité de la perte se travaille donc dans cette étape dans l’intériorité psychique : c’est un travail sur les souvenirs et sur la mémoire.
Bowlby qualifie cette phase de conscience intermittente de la réalité de la perte, avec des accès de nostalgie et de colère.
3. La phase de séparation ou phase de désorganisation et de désespoir
C’est la phase de deuil à proprement parler. Le travail psychique s’opère par un détachement progressif dans un état de dépressivité, pour reprendre les termes de Fédida (2001).
C’est une période de souffrance profonde, avec :
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sentiments de peine intense,
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réminiscences douloureuses sous forme de rêves où le défunt réapparaît, puis disparaît à nouveau,
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impression que la vie est soudain vide, conduisant l’endeuillé à suspendre tout projet d’activité.
Cette phase peut être marquée par une inhibition psychique : renfermement sur soi, perte d’appétit, perte du désir. Toutefois, le sens de la réalité est préservé.
Cet état fonctionne comme une protection du vivant : il permet à l’endeuillé de ne pas se sentir menacé dans son intégrité psychique, tout en intégrant le temps de la mémoire.
Cette phase aboutit à la séparation d’avec le défunt, ce qui rend possible un redémarrage de nouveaux projets de vie et de nouveaux investissements psychiques.
4. La phase de réparation et de récupération, dite phase de réorganisation (Bowlby)
Elle se caractérise par un retour vers l’avenir, un regain d’intérêt pour de nouveaux objets et de nouveaux désirs.
La conscience du sujet se libère peu à peu du deuil, permettant un redémarrage des projets de vie qui tiennent compte à la fois de la perte et de l’absence.
Le travail de deuil, au sens de l’élaboration psychique, permet que la réalité l’emporte : il nous apprend à vivre malgré la perte, et à aimer à nouveau ailleurs.
Comme l’écrit André Comte-Sponville (1995) :
« Autant le deuil est du côté de la mort, comme événement, autant il est du côté de la vie comme processus. Il s’agit que la joie redevienne au moins possible, et le travail de deuil est ce qui le permet. »
Bibliographie
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Tarquinio, C. (2015). L’EMDR : Préserver la santé mentale et prendre en charge la maladie. Psychologies, 2ᵉ édition.
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Crocq, L. (2014). Traumatismes psychiques : prise en charge psychologique des victimes. Psychologie, 2ᵉ édition.
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Bowlby, J. (1984). La perte : tristesse et dépression. Paris : PUF.
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Fédida, P. (2001). Les bienfaits de la dépression. Paris : Odile Jacob.